Après l'acte 1, la très belle journée du 17 novembre, l'acte 2, la mobilisation du 24 novembre, nous en sommes aujourd'hui à l'acte 3, le temps des négociations. C'est le moment le plus délicat. D'un mouvement citoyen spontané et apolitique qui s'est construit en dehors de toutes les instances représentatives traditionnelles, nous allons devoir négocier des avancées concrètes avec le gouvernement par l'intermédiaire de représentants désignés.
Qui désigner? Qui est légitime? Comment éviter d'être infiltré par des groupuscules extrémistes? Comment réussir à tenir tête à la technostructure, aux technocrates et aux politiques rompus aux négociations? Comment traduire en propositions concrètes et pragmatiques notre légitime colère?
La solution est de rester strictement fidèles à nos revendications initiales, de rechercher des avancées concrètes par opposition aux revendications fantaisistes qui ont fleuries ces dernier temps, et de négocier sérieusement sur le fond.
Nos revendications initiales étaient le refus de la hausse de la taxation sur les carburants et de l'accumulation de taxes et de réglementations contraignantes qui nous pénalisent particulièrement nous les habitants des campagnes et des petites villes. Le ras-le-bol contre la sur-taxation et la sur-réglementation, la révolte contre l'injonction à réduire notre consommation de carburant alors que nous n'avons pas d'alternative à la voiture et l'indignation de devoir payer toujours plus d'impôts et de taxes alors que nos services publics de proximité disparaissent forment le coeur de nos revendications. Nous devons nous en tenir uniquement à cela!
C'est pourquoi nous lançons cet appel à négocier sérieusement. Cela passe par 3 règles simples auxquelles nos représentants devront se conformer:
Négocier sérieusement commence par ne pas remettre en cause la légitimité du Président et du Gouvernement.
Comment serait-ce possible de négocier si on met en doute la légitimité de nos interlocuteurs? Notre mouvement citoyen est indépendant de toute chapelle politique. Les revendications fantaisistes de démission du Président, de référendum sur la politique menée, d'assemblée populaire, de suppression du Sénat*, ... sont souvent manipulées par des groupuscules extrémistes et nuisent à notre mouvement.
Par contre, la volonté des gilets jaunes d'être mieux écoutés et la défiance envers les institutions actuelles peut se traduire par ces revendications concrètes et pragmatiques:
1) une négociation sérieuse
2) une nouvelle composition du Conseil Economique Social et Environnemental avec l'entrée massive de citoyens dans cette instance
3) des négociations locales entre les élus locaux et les gilets jaunes locaux pour étudier les alternatives à la voiture, concrètes et pragmatiques, possibles dans chaque territoire
4) l'utilisation du référendum par le Président de la République pour chaque grand choix de société.
Négocier sérieusement passe par prendre en compte les 2 plus grands enjeux pour la planète et pour notre pays, l'écologie et nos finances publiques
Il nous faut trouver un moyen de réussir la transition énergétique sans faire de discrimination sociale et territoriale. Dans la pétition à l'origine du mouvement Priscillia Ludosky avait bien précisé ce point essentiel.
Toutes les mesures prises jusqu'à aujourd'hui peuvent être remises en cause, même la hausse des taxes sur les carburants, toutes les conceptions bien établies de l'écologie peuvent être contestées, même la trajectoire carbonne, mais la finalité, la transition écologique, ne peut être remise en cause.
Il nous faut également trouver un moyen de réduire les taxes et les impôts, tout en finançant mieux les services publics de proximité. L'augmentation permanente des taxes et impôts depuis 35 ans n'est plus possible, ni pour les ménages, ni pour les entreprises. Les propositions de certains de "faire payer les entreprises" sont démagogiques dans le contexte actuel où les entreprises françaises sont déjà plus taxées que leurs concurrentes étrangères.
Négocier sérieusement passe également par prendre en compte les revendications sur la politique de sécurité routière
Elles sont également à l'origine du ras-le-bol avec le sentiment (le constat) d'être pris pour des vaches-à-lait, mais sont trop souvent oubliées dans les prises de paroles devant les médias. L'augmentation des critères du contrôle technique, le 80 kmh, la traque des automobilistes au moyen des voitures-radar, de la vidéoverbalisation et de la verbalisation à la volée, l'interdiction brutale des vieux diesels, la hausse des prix du stationnement, ... sont particulièrement discriminantes pour les habitants des zones rurales et prériurbaines et pour les salariés et indépendants modestes. Elles peuvent facilement être remises en cause, et doivent l'être!
En conséquence, recentrons nos revendications sur ces 3 questions de fond:
1 Comment réussir la transition énergétique sans faire de discrimination sociale et territoriale?
2 Comment réduire les taxes et les impôts, tout en finançant et assurant mieux les services publics de proximité, et sans endetter plus le pays?
3 Comment rendre plus intelligente la sécurité routière, en allégeant la pression sur les honnêtes citoyens, et en recentrant la répression sur les conduites réellement dangereuses?
Nos représentants, quels qu'ils soient, doivent avoir ces considérations en tête pour que les négociations aboutissent à des avancées concètes et positives, autant pour les citoyens, que pour les entreprises françaises, que pour l'intérêt général. Toutes les idées sont bonnes à prendre, d'où qu'elles viennent et même si elles sont disruptives. Mais négocier sérieusement sur l'essentiel est la condition nécessaire pour que l'engagement et les sacrifices de millions de citoyens dans le mouvement des gilets jaunes aboutissent à des résultats concrets.
Philippe Dervaux,
gilet jaune et animateur du think-tank de l'Alternative Crédible, le think-tank qui soutient le mouvement des gilets jaunes depuis le début.
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* La suppression du Sénat est une erreur car il représente mieux que l'Assemblée les territoires ruraux. De plus, beaucoup de sénateurs sont favorables aux gilets jaunes. Il serait plus judicieux de demander une simplification du mille-feuille administratif en commençant par le Grand Paris: la pétition sur change.org Pour une refonte totale du Grand Paris